La radiothérapie stéréotaxique corporelle hypofractionnée (SBRT) du cancer de la prostate à faible risque et à risque intermédiaire est une option thérapeutique alternative offrant efficacité, faible toxicité, coût réduit et meilleure qualité de vie pour les patients.
La radiothérapie pour le cancer de la prostate à faible et risque intermédiaire (T1-T2), implique une durée de traitement longue avec des séances délivrées quotidiennement sur plusieurs semaines (généralement 7 à 8 semaines).
De nombreuses équipes ont essayé de réduire cette durée de traitement en utilisant la radiothérapie stéréotaxique corporelle hypofractionnée (SBRT) comme une option alternative égale, voire supérieure, par rapport aux traitements traditionnels utilisés actuellement : radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI / IMRT), curiethérapie ou prostatectomie radicale.
L’objectif de cette revue de la littérature est de faire le point sur les données des dernières études publiées sur l’utilisation de la SBRT dans le traitement de cancer de la prostate à faible et risque intermédiaire (faisabilité, doses, fractionnement, contrôle local, survie sans récidive biochimique, tolérance et toxicité, ainsi le coût de traitement) et de voir si cette technique pourrait être une option alternative acceptable susceptible d’apporter des bénéfices (thérapeutiques + gain de temps) aux patients.
La SBRT à haute dose chez les patients nouvellement diagnostiqués avec un cancer de la prostate à faible ou risque intermédiaire entraîne un temps de traitement plus court, une faible toxicité sévère et un excellent taux de contrôle du cancer, selon des recherches présentées par Meier et coll (1) lors de la réunion annuelle de l’American Society for Radiation Oncology (ASTRO). Cette étude est la première grande étude multi-institutionnelle de SBRT (21 hôpitaux communautaires, régionaux et universitaires des Etats-Unis) dans le cancer de la prostate avec un suivi long de 61 mois.
Au total, 309 hommes atteints d’un cancer de la prostate nouvellement diagnostiqué ont été inclus dans cet essai. Les patients éligibles avaient soit une maladie à faible risque (T1-T2a, Gleason 6, PSA <10) = 172) ou une maladie à risque intermédiaire (T1c-T2b soit avec Gleason 7 et PSA <10, soit avec Gleason 6 et PSA 10-20). Tous les patients ont reçu une radiothérapie SBRT via une plate-forme robotique non isocentrique, avec une dose de radiothérapie à la prostate de 40 Gy, à raison de 8 Gy par séance en cinq séances au total. Les patients à risque intermédiaire ont reçu une dose de 36,25 Gy pour les vésicules séminales. L’administration d’hormonothérapie (concomitante ou adjuvante) a été interdite chez les patients participant à cette étude.
97% des patients n’ont pas présenté une progression du cancer de la prostate à 5 ans après la SBRT. Chez les patients à faible risque, le taux de contrôle local du cancer était supérieur à celui historiquement démontré précédemment. Ainsi, dans le groupe à faible risque, le taux de survie sans rechute à 5 ans était de 97,3% contre 93% dans les études précédentes, avec un P = 0,014. La survie globale actuarielle à 5 ans était de 95,6% pour l’ensemble de la cohorte. Pour tous les patients, la survie sans rechute actuarielle à 5 ans pour le nadir + 2 était de 97,1%, soit 97,3% pour les patients à faible risque et 97,1% pour les patients à risque intermédiaire. La survie sans rechute (selon la définition de l’ASTRO) à cinq ans a été respectivement de 92,3% et 91,3% pour les groupes à risque faible et intermédiaire.
Moins de 2% de tous les patients ont présenté des effets secondaires graves au cours des 5 années qui ont suivi la SBRT. Cinq effets secondaires génito-urinaires de grade 3 ont été signalés chez quatre patients sur 309 participants à l’étude. Aucune toxicité de grade 4 ou 5 n’a été signalée, ni aucune toxicité gastro-intestinale de grade 3. Entre la moitié et les deux tiers des patients ont présenté des effets secondaires moins graves, avec respectivement des taux de 53 et 59% pour les toxicités gastro-intestinales et génito-urinaires de grade 1, respectivement de 35 et 10% pour les toxicités gastro-intestinales et génito-urinaires de grade 2. Ces effets secondaires étaient habituellement temporaires.
La SBRT offre une très bonne qualité de vie à 2 ans après traitement du cancer de la prostate. Cette qualité de vie est largement similaire à celle que l’on retrouve après curiethérapie ou radiothérapie d’intensité modulée (IMRT) selon Evans et al (2). Il s’agit d’une analyse de cohortes appariées sur plusieurs établissements portant sur la qualité de vie (Expanded Prostate Cancer Index Composite [EPIC-26] avant et après curiethérapie, IMRT et SBRT). Les données ont été analysées par score moyen par domaine. L’analyse multivariée a été utilisée pour analyser les facteurs associés aux scores par domaine 2 ans après traitement.
Les données ont été obtenues auprès de 803 patients avant traitement et de 645 patients après 2 ans.
Chez tous les patients, les réductions moyennes (avant la thérapie et 2 ans après) étaient de moins 1,9 point dans le domaine de l’obstruction urinaire, moins 4,8 points pour l’incontinence urinaire, moins 4,9 points pour les symptômes intestinaux et moins 13,3 points pour les symptômes sexuels.
À l’analyse multivariée, la curiethérapie, comparée à l’IMRT, entraînait une irritation urinaire plus importante, mais aucune différence dans les autres domaines.
À l’analyse multivariée, la SBRT était similaire à l’IMRT dans les domaines urinaires et sexuels, mais était associée à une amélioration des scores intestinaux.
Les patients atteints de cancer de la prostate non métastatique traités par la SBRT présentent une augmentation du score international des symptômes prostatiques (International Prostate Symptom Score, IPSS) au départ, mais retrouvent leurs fonctions normales immédiatement après le traitement. C’est ce que Rana et al (3) confirment dans leur étude analysant rétrospectivement 102 patients atteints de cancer de la prostate non métastatique traités par SBRT entre mai 2008 et septembre 2014.
Selon les auteurs, des résultats favorables ont été observés sur la réponse PSA, la toxicité, la préservation de la fonction érectile et l’amélioration de la fonction urinaire. Par contre les symptômes irritatifs prennent plus de temps à se résoudre que les symptômes mictionnels obstructifs.
L’IPSS, le SHIM (Sexual Health Inventory for Men – Inventaire de santé sexuelle chez les hommes) et le PSA ont été recueillis à l’entrée dans l’étude, puis à 1, 3, 6, 9, 12, 18, 24 et 36 mois après le traitement. Ils ont mis en évidence les résultats suivants :
Le score IPSS-I en prétraitement était de 5,21 et a augmenté à 6,97 (p < 0,001) après 1 mois.
Le score IPSS-I moyen est revenu près de sa valeur à l’entrée dans l’étude après 3 mois et est redescendu en dessous de sa valeur à l’entrée dans l’étude après 2 ans.
À 3 mois, 47,5% des patients avaient obtenu une résolution de l’IPSS-I. À 9 mois et 2 ans, les chiffres étaient de 76,2% et 91,1%.
Le score IPSS-O moyen avant le traitement était de 5,31 et a augmenté à 6,45 (p = 0,344) à 1 mois et était à 3,74 à 3 ans (p = 0,035).
La proportion de patients obtenant une résolution de l’IPSS-O était de 4,4% à 3 mois, 82,1% à 9 mois et de 96% à 2 ans.
Le score SHIM moyen est descendu de 13,52 avant le traitement à 10,56 1 an après le traitement (p < 0,001).
Pour ce qui concerne la SBRT et la prostatectomie, un tableau comparatif permet d’éclaircir quelques points importants afin de déterminer la stratégie la plus adaptée pour le patient atteint d’un cancer de la prostate :
Prostatectomie (DA VINCI) | SBRT (CYBERKNIFE) |
Tous les patients nécessitent un cathéter urinaire après la chirurgie • 20 à 50% des patients ont des fuites d’urine persistantes dans les 6 premiers mois, les obligeant à porter des couches • 4 à 20% des patients ont des fuites d’urine permanentes (4-5-6) | L’incontinence n’est pas typiquement observée (7-8-9) |
Il y a une forte réduction de la qualité de vie sexuelle immédiatement après la chirurgie et une certaine récupération sur la première année après la chirurgie • Les techniques actuelles de conservation des nerfs conservent la fonction érectile chez 61 à 90% des hommes *** (4-5-10-11-12) | Peu d’effet sur la qualité de vie sexuelle immédiatement après le traitement • La technique d’IRM ciblée peut préserver la fonction érectile chez 60 à 87% des hommes*** (13-14-15) |
***Les données comparatives du tableau ne proviennent pas d’une étude en tête-à-tête, mais plutôt d’études indépendantes publiées
Etant donné que la SBRT du cancer de la prostate à faible et risque intermédiaire a montré des niveaux élevés de contrôle biochimique et des taux de toxicité faibles par rapport à l’IMRT, Hodges et al (16) ont comparé le coût et la rentabilité de la SBRT (35 – 50 Gy en 5 fractions) par rapport l’IMRT (79,2 Gy en 44 fractions). Ils ont établi que, sur un suivi de dix ans, la simulation de Monte Carlo montre que les coûts moyens et les années de vie ajustées en fonction de la qualité (QALY) pour la SBRT et l’IMRT étaient respectivement de 19 155 dollars et 32 468 dollars. Les auteurs ont conclu que, en comparant l’IMRT et la SBRT du cancer de la prostate à faible ou risque intermédiaire, la SBRT était susceptible de générer des économies potentielles importantes pour le système de santé, pouvait améliorer l’accès à la radiothérapie, augmenter le confort des patients et améliorer leur qualité de vie.
En résumé : La radiothérapie stéréotaxique corporelle hypofractionnée (SBRT) semble avoir démontré son efficacité thérapeutique au prix d’un faible taux de toxicité. Ainsi, elle offre aux patients un gain de temps non négligeable, plus de confort et une bonne qualité de vie. En outre, cette technique permet de traiter plus de patients, à plus faibles coûts.